Minibiography de la Redation ScienzaPerTutti
"La science est, à la base, une entreprise humaine...
Ce n'est pas une activité pour des gens socialement ineptes vivant dans des tours d'ivoire."
1934-1996 Il était l'astronome le plus célèbre de la planète. Il avait un talent de vulgarisateur qui n'avait nul autre pareil. Mais la principale force de Carl Sagan, ce qui faisait de lui un être humain exceptionnel, c'était cet émerveillement d'enfant, lorsqu'il levait les yeux vers les planètes et les galaxies, ou qu'il les baissait sur un brin d'herbe ou une goutte de sang. Qu'il parle des "milliards d'étoiles", des photos de Saturne, du cerveau de l'homo sapiens, ou d'une civilisation extra-terrestre, ce qui touchait son interlocuteur, c'était avant toute chose cet émerveillement. C'était cette passion, cette fougue, et cette infinie curiosité qui transparaissaient de chacune des paroles de cet habile raconteur d'histoires. Il croyait en la science. Mais plus encore, il croyait en l'intelligence humaine. Il faisait confiance à son interlocuteur: là où d'autres auraient renoncé, Carl Sagan savait qu'on pouvait faire comprendre n'importe quoi, de la mécanique des pulsars à la structure de l'ADN. Il suffisait de savoir s'y prendre. En 30 ans, 20 livres, plus de 700 articles, et avec Cosmos, sa série documentaire télédiffusée dans 60 pays, il a démontré qu'il savait s'y prendre. Carl Sagan croyait que les êtres humains représentent quelque chose de spécial, de noble, un morceau du cosmos trop important pour disparaître. Parmiles membres de cette espèce, il en était sûrement un des meilleurs spécimens." C'est l'hommage que lui rend le journaliste du Washington Post au terme d'un texte annonçant le décès du professeur et astronome de l'Université Cornell, le 20 décembre 1996, à l'âge de 62 ans.
Il souffrait d'une maladie de la moëlle osseuse depuis deux ans. En début d'année, il avait connu une brève rémission, mais c'est finalement une pneumonie qui l'a emporté, après avoir fait son chemin plus facilement dans son organisme affaibli. (reportages au lendemain de son décès réalisés par CNN, le Washington Post et l'Associated Press) Né le 9 novembre 1934 à Brooklyn, fils d'immigrants, il a souvent raconté avoir découvert la science à l'âge de 7 ans en ouvrant un livre d'astronomie à la bibliothèque de New York. "J'ai senti une sorte de vertige en le feuilletant. Comment ces immenses corps peuvent-ils se maintenir suspendus dans cet immense vide noir? Cela m'a littéralement bouleversé." Grand amateur de science-fiction dans sa jeunesse, diplômé d'astronomie à l'Université de Chicago, il entame une brillante carrière universitaire. Dans les années 50, il fut parmi les premiers à démontrer que la planète Vénus, sous son épaisse couche nuageuse, devait avoir une surface brûlante. Au début des années 60, il contesta la thèse couramment admise selon laquelle les variations de couleurs à la surface de Mars étaient le résultat des changements de saison. Il émit plutôt l'hypothèse qu'il s'agissait de tempêtes de sable, ce qui allait être confirmé quelques années plus tard lorsque la sonde Mariner deviendrait le premier engin humain à prendre des photos rapprochées de la planète rouge.
A ce moment, il était déjà devenu consultant pour la NASA au sein du programme Mariner. Il allait le rester pour les sondes Viking, qui furent les premières à se poser sans encombres sur Mars en 1976 et pour Voyager 1 et 2, qui, lancées en 1977, allaient s'approcher, au cours des 15 années suivantes, de Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Fondateur de la Planetary Society, destinée aux simples citoyens intéressés aux sciences de l'espace, auteur de quelque 700 articles scientifiques, et d'autres pour des magazines populaires comme Parade, auteur d'un roman de science-fiction, Contact (1985), qui raconte la réception du premier message radio en provenance d'une civilisation extra-terrestre (et autour duquel un film mettant en vedette Jodie Foster est en préparation), promoteur de la thèse de "l'hiver nucléaire", la catastrophe écologique qui suivrait une guerre atomique, auteur de nombreux textes sur la possibilité d'existence de civilisations extra-terrestres, promoteur du programme SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence)... Son c.v. fait 250 pages... et son bureau le fournit sur cédérom! C'est également lui qui, au début des années 80, avait sur la porte de son bureau, à l'Université Cornell, une carte du système solaire avec une flèche pointant vers la Terre, et, à l'intérieur de la flèche, la mention "Vous êtes ici".
Dans son dernier livre, Pale Blue Dot (1996), il voit un avenir à l'espèce humaine au-delà de notre planète, mais aussi au-delà de notre système solaire. Il pourrait très bien y avoir d'ici quelques siècles, des véhicules capables de voyager à une vitesse proche de celle de la lumière. "A moins que nous ne nous détruisions nous-mêmes, nous inventerons de nouvelles technologies aussi étranges pour nous aujourd'hui que la sonde Voyager le serait pour nos ancêtres chasseurs..." On l'a contesté. D'abord pour ses thèses sur l'hiver nucléaire, parues dans un article scientifique rédigé en collaboration en 1983, article dont certains jugèrent les conclusions exagérées. Des modèles informatiques démontrant que les baisses de température seraient moins fortes que ce que Sagan et les autres annonçaient, obligèrent effectivement ces derniers à réviser leurs chiffres à la baisse. L'Académie allait éventuellement lui remettre un prix spécial pour son travail d'éducateur. "Mon seul secret, c'est d'être capable de parler aux autres de la science et de me rappeler ce que c'était lorsque je n'en comprenais rien", a-t-il déjà déclaré en entrevue au magazine... Playboy.
Deux fois divorcé, il laisse dans le deuil son épouse Ann Druyan, qu'il avait rencontré en 1974, et cinq enfants. "Nous avions besoin d'un homme comme Sagan", conclut le correspondant du Washington Post. Le monde avait besoin d'un homme tel que lui "depuis le moment où Copernic nous a retiré du centre de l'univers. C'est troublant d'apprendre que nous vivons sur une roche qui tourne autour d'une étoile ordinaire aux confins d'une galaxie ordinaire dans un univers qui est incroyablement large. Sagan savait comment décrire cela sans nous diminuer. Avec Sagan, nous nous sentions à notre place."